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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

cueilli par l’observation des hommes. Il n’en étoit pas moins resté dans sa tête un certain respect pour Attila et pour Charlemagne, pour les lois féodales et pour le despotisme de l’Orient, qu’il appliquoit à tort et à travers, ne se trompant jamais, toutefois, sur ce qui servoit instantanément à son pouvoir ; mais du reste, citant, blâmant, louant et raisonnant comme le hasard le conduisoit ; il parloit ainsi des heures entières, avec d’autant plus d’avantage, que personne ne l’interrompoit, si ce n’est par les applaudissemens involontaires qui échappent toujours dans des occasions semblables. Une chose singulière, c’est que, dans la conversation, plusieurs officiers bonapartistes ont emprunté de leur chef cet héroïque galimatias, qui véritablement ne signifie rien qu’à la tête de huit cent mille hommes.

Bonaparte imagina donc, pour se faire un empire oriental et carlovingien tout ensemble, de créer des fiefs dans les pays conquis par lui, et d’en investir ses généraux ou ses principaux administrateurs. Il constitua des majorats, il décréta des substitutions ; il rendit à l’un le service de cacher sa vie sous le titre inconnu de duc de Rovigo ; et, tout au contraire, en ôtant à Macdonald, à Bernadotte, à Masséna, les noms