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CONSIDÉRATIONS

despotisme ont tout fait passer, au moins pendant quelques années. Ces républicains qu’on avoit vus dédaigner les récompenses données par les monarques, n’avoient plus assez d’espace sur leurs habits pour y placer les larges plaques allemandes, russes, italiennes, dont on les avoit affublés. Un ordre militaire, la Couronne de fer ou la Légion d’honneur, pouvoit être accepté par des guerriers dont ces signes rappeloient les blessures et les exploits ; mais les rubans et les clefs de chambellans, mais tout cet appareil des cours, convenoit-il à des hommes qui avoient remué ciel et terre pour l’abolir ? Une caricature angloise représente Bonaparte découpant le bonnet rouge pour en faire un grand cordon de la Légion d’Honneur. Quelle parfaite image de cette noblesse inventée par Bonaparte, et qui n’avoit à se glorifier que de la faveur de son maître ! Les militaires françois ne sont plus considérés que comme les soldats d’un homme, après avoir été les défenseurs de la nation. Ah ! qu’ils étoient plus grands alors !

Bonaparte avoit lu l’histoire d’une manière confuse : peu accoutumé à l’étude, il se rendoit beaucoup moins compte de ce qu’il avoit appris dans les livres que de ce qu’il avoit re-