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CONSIDÉRATIONS

vous croyez que ma nomination au titre d’empereur est nécessaire au bonheur de la France, prenez au moins des précautions contre ma tyrannie ; oui, je vous le répète, contre ma tyrannie. Qui sait si, dans la situation où je vais être, je ne serai pas tenté d’abuser du pouvoir ?

Les sénateurs s’en allèrent attendris par cette candeur aimable, dont les conséquences furent la suppression du tribunat, tout bénin qu’il étoit alors ; l’établissement du pouvoir unique du conseil d’état, servant d’instrument dans la main de Bonaparte ; le gouvernement de la police, un corps permanent d’espions, et dans la suite sept prisons d’état, dans lesquelles les détenus ne pouvoient être jugés par aucun tribunal, leur sort dépendant uniquement de la simple décision des ministres.

Afin de faire supporter une semblable tyrannie, il falloit contenter l’ambition de tous ceux qui s’engageroient à la maintenir. Les contributions de l’Europe entière y suffisoient à peine en fait d’argent. Aussi Bonaparte chercha-t-il d’autres trésors dans la vanité. Le principal mobile de la révolution françoise étoit l’amour de l’égalité. L’égalité devant la loi fait partie de la justice, et par consé-