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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

apprécioit très-haut les ressources de la France, et croyoit qu’un tel pays, gouverné par la sagesse d’une véritable représentation nationale, et non par les intrigues des courtisans, n’avoit, au milieu de l’Europe, rien à désirer ni à craindre.

Quelque belle que fût la doctrine de M. Necker, dira-t-on, puisqu’il n’a pas réussi, elle n’étoit donc pas adaptée aux hommes tels qu’ils sont. Il se peut qu’un individu n’obtienne pas du ciel la faveur d’assister lui-même au triomphe des vérités qu’il proclame : mais en sont-elles moins pour cela des vérités ? Quoiqu’on ait jeté Galilée dans les prisons, les lois de la nature découvertes par lui n’ont-elles pas été depuis généralement reconnues ? La morale et la liberté sont aussi sûrement les seules bases du bonheur et de la dignité de l’espèce humaine, que le système de Galilée est la véritable théorie des mouvemens célestes.

Considérez la puissance de l’Angleterre : d’où lui vient-elle ? de ses vertus et de sa constitution. Supposez un moment que cette île, maintenant si prospère, fût privée tout à coup de ses lois, de son esprit public, de la liberté de la presse, et du parlement, qui tire sa force de la nation et lui rend la sienne à son tour : comme les champs seroient desséchés ! comme les ports