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CONSIDÉRATIONS

des jeux de hasard. Les écrits de M. Necker, pendant les derniers temps de sa vie, n’ont donc point été jugés en France avec impartialité, et c’est une peine de plus qu’il a supportée dans sa retraite. L’avant-dernier de ses ouvrages, intitulé, Cours de morale religieuse, est, je crois pouvoir l’affirmer, un des livres de piété les mieux écrits, les plus forts de pensée et d’éloquence dont les protestans puissent se vanter, et souvent je l’ai trouvé entre les mains de personnes que les peines du cœur avoient atteintes. Toutefois, les journaux sous Bonaparte n’en firent presque pas mention, et le peu qu’on en dit n’en donnoit aucune idée. Il y a eu de même, en d’autres pays, quelques exemples de chefs-d’œuvre littéraires, qui n’ont été jugés que long-temps après la mort de leurs auteurs. Cela fait mal de penser que celui qui nous fut si cher a été privé même du plaisir que ses talens, comme écrivain, lui méritoient incontestablement.

Il n’a point vu le jour de l’équité luire pour sa mémoire, et sa vie a fini l’année même où Bonaparte alloit se faire empereur, c’est-à-dire, dans une époque où aucun genre de vertu n’étoit en honneur en France. La délicatesse de son âme étoit telle, que la pensée qui le tour-