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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

dant lequel il ne se soit vingt fois interrogé lui-même, tantôt pour se faire un tort des maux qu’il n’avoit pu prévenir, tantôt pour se placer en arrière des événemens, et peser de nouveau les différentes résolutions qu’il auroit pu prendre. Les jouissances les plus pures de la vie étoient empoisonnées pour lui par les persécutions inouïes de l’esprit de parti. Cet esprit de parti se montroit jusque dans la manière dont les émigrés, dans le temps de leur détresse, s’adressoient à lui pour demander des secours. Plusieurs, en lui écrivant à ce sujet, s’excusoient de ne pouvoir aller chez lui, parce que les principaux d’entre eux le leur avoient défendu ; ils jugeoient bien du moins de la générosité de M. Necker, quand ils croyoient que cette soumission à l’impertinence de leurs chefs ne le détourneroit pas de leur rendre service.

Parmi les inconvéniens de l’esclavage de la presse, il y avoit encore que les jugemens sur la littérature étoient entre les mains du gouvernement : il en résultoit que, par l’intermédiaire des journalistes, la police disposoit, au moins momentanément, de la fortune littéraire d’un écrivain, comme d’un autre côté elle délivroit des permissions pour l’entreprise