CHAPITRE IX.
Des derniers jours de M. Necker.
JE ne parlerois point du sentiment que m’a laissé la perte de mon père, si ce n’étoit pas un moyen de plus de le faire connaître. Quand les opinions politiques d’un homme d’état sont encore à beaucoup d’égards l’objet des débats du monde, il ne faut rien négliger pour donner aux principes de cet homme la sanction de son caractère. Or, quelle plus grande garantie peut-on en offrir que l’impression qu’il a produite sur les personnes le plus à portée de le juger ? Il y a maintenant douze années que la mort m’a séparée de mon père, et chaque jour mon admiration pour lui s’est accrue ; le souvenir que j’ai conservé de son esprit et de ses vertus me sert de point de comparaison pour apprécier ce que peuvent valoir les autres hommes ; et, quoique j’aie parcouru l’Europe entière, jamais un génie de cette trempe, jamais une moralité de cette vigueur ne s’est offerte à moi. M. Necker pouvoit être faible par bonté, incertain à force de réfléchir ; mais, quand il