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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

de l’autre, elles étoient moins accessibles que les hommes aux craintes et aux espérances dont le pouvoir est dispensateur, elles lui donnoient de l’humeur comme des rebelles, et il se plaisoit à leur dire des choses blessantes et vulgaires. Il haïssoit autant l’esprit de chevalerie qu’il recherchoit l’étiquette ; c’étoit faire un mauvais choix parmi les anciennes mœurs. Il lui restoit aussi de ses premières habitudes, pendant la révolution, une certaine antipathie jacobine contre la société brillante de Paris, sur laquelle les femmes exerçoient beaucoup d’ascendant ; il redoutoit en elle l’art de la plaisanterie, qui, l’on doit en convenir, appartient particulièrement aux Françoises. Si Bonaparte avoit voulu s’en tenir au superbe rôle de grand général et de premier magistrat de la république, il auroit plané de toute la hauteur du génie au-dessus des petits traits acérés de l’esprit de salon. Mais, quand il avoit le dessein de se faire roi parvenu, bourgeois gentilhomme sur le trône, il s’exposoit précisément à la moquerie du bon ton, et il ne pouvoit la comprimer, comme il l’a fait, que par l’espionnage et la terreur.

Bonaparte vouloit que je le louasse dans mes écrits, non assurément qu’un éloge de plus eût