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CONSIDÉRATIONS

les autres, espérant alors que le premier consul ramèneroit l’ancienne dynastie. L’on savoit que j’étois très-prononcée contre le système de gouvernement que suivoit et que préparoit Napoléon, et les partisans de l’arbitraire nommoient, suivant leur coutume, opinions antisociales, celles qui tendent à relever la dignité des nations. Si l’on rappeloit à quelques émigrés rentrés sous le règne de Bonaparte, avec quelle fureur ils blâmoient alors les amis de la liberté toujours attachés au même système, peut-être apprendroient-ils l’indulgence, en se ressouvenant de leurs erreurs.

Je fus la première femme que Bonaparte exila ; mais bientôt après il en bannit un grand nombre d’opinions opposées. Une personne très-intéressante entre autres, la duchesse de Chevreuse, est morte du serrement de cœur que son exil lui a causé. Elle ne put obtenir de Napoléon, lorsqu’elle étoit mourante, la permission de retourner une dernière fois à Paris, pour consulter son médecin et revoir ses amis. D’où venoit ce luxe en fait de méchanceté, si ce n’est d’une sorte de haine contre tous les êtres indépendants. ? Et comme les femmes, d’une part, ne pouvoient servir en rien ses desseins politiques, et que,