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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

Mais M. Necker s’étoit fait une magistrature de vérité dans sa retraite, dont il ne négligeoit les obligations par aucun motif : il souhaitoit pour la France l’ordre et la liberté, la monarchie et le gouvernement représentatif ; et, toutes les fois qu’on s’écartoit de cette ligne, il croyoit de son devoir d’employer son talent d’écrivain, et ses connaissances comme homme d’état, pour essayer de ramener les esprits vers le but. Toutefois, regardant Bonaparte alors comme le défenseur de l’ordre, et comme celui qui préservoit la France de l’anarchie, il l’appela l’homme nécessaire, et revint, dans plusieurs endroits de son livre, à vanter ses talens avec la plus haute estime. Mais ces éloges n’apaisèrent pas le premier consul. M. Necker avoit touché au point sensible de son ambition, en discutant le projet qu’il avoit formé d’établir une monarchie en France, de s’en faire le chef, et de s’entourer d’une noblesse de sa propre création. Bonaparte ne vouloit pas qu’on annonçât ce dessein avant qu’il fût accompli ; encore moins permettoit-il qu’on en fit sentir tous les défauts. Aussi, dès que cet ouvrage parut, les journalistes reçurent-ils l’ordre de l’attaquer avec le plus grand acharnement. Bonaparte signala M. Necker comme le principal