Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
275
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

fortune, et ce sentiment s’est manifesté en lui de diverses manières ; mais, depuis le mahométisme jusqu’à la religion des Pères du désert, depuis la loi agraire jusqu’à l’étiquette de la cour de Louis XIV, son esprit est prêt à concevoir et son caractère à exécuter ce que la circonstance peut exiger. Toutefois, son penchant naturel étant pour le despotisme, ce qui le favorise lui plaît, et il auroit aimé l’ancien régime de France plus que personne, s’il avoit pu persuader au monde qu’il descendoit en droite ligne de saint Louis.

Il a souvent exprimé le regret de ne pas régner dans un pays où le monarque fût en même temps le chef de l’Église, comme en Angleterre et en Russie ; mais, trouvant encore le clergé de France dévoué à la cour de Rome, il voulut négocier avec elle. Un jour il assuroit aux prélats que, dans son opinion, il n’y avoit que la religion catholique de vraiment fondée sur les traditions anciennes ; et, d’ordinaire, il leur montroit sur ce sujet quelque érudition acquise de la veille ; puis, se trouvant avec des philosophes, il dit à Cabanis : Savez-vous ce que c’est que le concordat que je viens de signer ? C’est la vaccine de la religion : dans cinquante ans, il n’y en aura