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CONSIDÉRATIONS

de notre patrie. C’est sa première pensée en s’éveillant, c’est sa prière, à quelque divinité qu’il l’adresse, à Jupiter ou à Mahomet, au dieu des batailles ou à la déesse de la raison. Une importante leçon doit être tirée de l’arrogance de Bonaparte : il se dit l’instrument dont la Providence a fait choix pour rendre le bonheur à la Suisse, et la splendeur et l’importance à l’Italie ; et nous aussi, nous devons le considérer comme un instrument dont la Providence a fait choix pour nous rattacher davantage, s’il se peut, à notre constitution, pour nous faire sentir le prix de la liberté qu’elle nous assure ; pour anéantir toutes les différences d’opinion en présence de cet intérêt ; enfin, pour avoir sans cesse présent à l’esprit, que tout homme qui arrive en Angleterre, en sortant de France, croit s’échapper d’un donjon, pour respirer l’air et la vie de l’indépendance. »

La liberté triompheroit aujourd’hui dans l’opinion universelle, si tous ceux qui se sont ralliés à ce noble espoir avoient bien vu, dès le commencement du règne de Bonaparte, que le premier des contre-révolutionnaires, et le seul redoutable alors, c’étoit celui qui se revêtoit des couleurs nationales, pour rétablir impunément