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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

s’y prendre pour lui plaire. Parmi les argumens allégués par lord Grenville pour ne pas faire la paix avec Bonaparte, il y avoit que, le gouvernement du premier consul tenant à lui seul, on ne pouvoit fonder une paix durable sur la vie d’un homme. Ces paroles irritèrent le premier consul ; il ne pouvoit souffrir qu’on discutât la chance de sa mort. En effet, quand on ne rencontre plus d’obstacle dans les hommes, on s’indigne contre la nature, qui seule est inflexible ; il nous est, à nous autres, plus facile de mourir ; nos ennemis, souvent même nos amis, tout notre sort enfin nous y prépare. L’homme chargé de réfuter dans le Moniteur la réponse de lord Grenville, se servit de ces expressions : Quant à la vie et à la mort de Bonaparte, ces choses-la, milord, sont au-dessus de votre portée. Ainsi le peuple de Rome appeloit les empereurs Votre Éternité. Bizarre destinée de l’espèce humaine, condamnée à rentrer dans le même cercle par les passions, tandis qu’elle avance toujours dans la carrière des idées ! Le traité d’Amiens fut conclu, lorsque les succès de Bonaparte en Italie le rendoient déjà maître du continent ; les conditions en étoient très-désavantageuses pour les Anglois, et pendant l’année qu’il subsista, Bonaparte se per-