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CONSIDÉRATIONS

positions de la France, Bonaparte eût dès cet instant adopté un système pacifique. Rien n’étoit plus contraire à sa nature et à son intérêt. Il ne sait vivre que dans l’agitation, et si quelque chose peut plaider pour lui auprès de ceux qui réfléchissent sur l’être humain, c’est qu’il ne respire librement que dans une atmosphère volcanique : son intérêt aussi lui conseilloit la guerre.

Tout homme, devenu chef unique d’un grand pays autrement que par l’hérédité, peut difficilement s’y maintenir, s’il ne donne pas à la nation de la liberté ou de la gloire militaire, s’il n’est pas Washington ou un conquérant. Or, comme il étoit difficile de ressembler moins à Washington que Bonaparte, il ne pouvoit établir et conserver un pouvoir absolu qu’en étourdissant le raisonnement ; qu’en présentant, tous les trois mois, aux François, une perspective nouvelle, afin de suppléer, par la grandeur et la variété des événemens, à l’émulation honorable, mais tranquille, dont les peuples libres sont appelés à jouir.

Une anecdote peut servir à faire connaître comment, dès les premiers jours de l’avènement de Bonaparte au consulat, ses alentours savoient déjà de quelle façon servile il falloit