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CONSIDÉRATIONS

usés, disoit-on, qui ne conviennent plus au siècle. Il n’est pas bien sûr, cependant, que les événemens de ce monde ne se répètent pas, quoique cela soit interdit aux auteurs des pièces nouvelles ; mais ce qui importoit alors, c’étoit de fournir une phrase à tous ceux qui vouloient être trompés d’une manière décente. La vanité françoise commença dès lors à se porter sur l’art de la diplomatie : la nation entière, à qui l’on disoit le secret de la comédie, étoit flattée de la confidence, et se complaisoit dans la réserve intelligente que l’on exigeoit d’elle.

On soumit bientôt les nombreux journaux qui existoient en France à la censure la plus rigoureuse, mais en même temps la mieux combinée ; car il ne s’agissoit pas de commander le silence à une nation qui a besoin de faire des phrases, dans quelque sens que ce soit, comme le peuple romain avoit besoin de voir les jeux du cirque. Bonaparte établit dès lors cette tyrannie bavarde dont il a tiré depuis un si grand avantage. Les feuilles périodiques répétoient toutes la même chose chaque jour, sans que jamais il fut permis de les contredire. La liberté des journaux diffère à plusieurs égards de celle des livres. Les journaux annoncent les nouvelles dont toutes les classes de personnes