Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
CONSIDÉRATIONS

fit décréter une constitution dans laquelle il n’existoit point de garanties. De plus, il eut grand soin de laisser subsister les lois émises pendant la révolution, afin de prendre à son gré l’arme qui lui convenoit dans cet arsenal détestable. Les commissions extraordinaires, les déportations, les exils, l’esclavage de la presse, ces mesures malheureusement prises au nom de la liberté, étoient fort utiles à la tyrannie. Il mettoit en avant, pour les adopter, tantôt la raison d’état, tantôt la nécessité des temps, tantôt l’activité de ses adversaires, tantôt le besoin de maintenir le calme. Telle est l’artillerie des phrases qui fondent le pouvoir absolu, car les circonstances ne finissent jamais, et plus on veut comprimer par des mesures illégales, plus on fait de mécontens qui motivent la nécessité de nouvelles injustices. C’est toujours à demain qu’on remet l’établissement de la loi, et c’est un cercle vicieux dont on ne peut sortir, car l’esprit public qu’on attend pour permettre la liberté ne sauroit résulter que de cette liberté même.

La constitution donnoit à Bonaparte deux collègues ; il choisit avec une sagacité singulière, pour ses consuls adjoints, deux hommes qui ne servoient qu’à déguiser son unité des-