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CONSIDÉRATIONS

de la France, et toute l’importance politique devoit se concentrer dans le sénat conservateur, qui réunissoit tous les pouvoirs hors un seul, celui qui naît de l’indépendance de fortune. Les sénateurs n’existoient que par les appointemens qu’ils recevoient du pouvoir exécutif. Le sénat n’étoit en effet que le masque de la tyrannie ; il donnoit aux ordres d’un seul l’apparence d’être discutés par plusieurs.

Quand Bonaparte fut assuré de n’avoir affaire qu’à des hommes payés, divisés en trois corps, et nommés les uns par les autres, il se crut certain d’atteindre son but. Ce beau nom de tribun signifioit des pensions pour cinq ans ; ce grand nom de sénateur signifioit des canonicats à vie, et il comprit bien vite que les uns voudroient acquérir ce que les autres désireroient conserver. Bonaparte se faisoit dire sa volonté sur divers tons, tantôt par la voix sage du sénat, tantôt par les cris commandés des tribuns, tantôt par le scrutin silencieux du corps législatif ; et ce chœur à trois parties étoit censé l’organe de la nation, quoiqu’un même maître en fût le coryphée.

L’œuvre de Sieyes fut sans doute altérée par Bonaparte. Sa vue longue d’oiseau de proie lui fit découvrir et supprimer tout ce qui, dans les