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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

autre crainte, afin de faire accepter sa puissance comme un moindre mal.

Une commission, composée de cinquante membres des cinq-cents et des anciens, fut chargée de discuter avec le général Bonaparte la constitution qu’on alloit proclamer. Quelques-uns de ces membres qui avoient sauté la veille par la fenêtre, pour échapper aux baïonnettes, traitoient sérieusement les questions abstraites des lois nouvelles, comme si l’on avoit pu supposer encore que leur autorité seroit respectée. Ce sang-froid pouvoit être beau s’il eut été joint à de l’énergie ; mais on ne discutoit les questions abstraites que pour établir une tyrannie ; comme du temps de Cromwell on cherchoit dans la Bible des passages pour autoriser le pouvoir absolu.

Bonaparte laissoit ces hommes, accoutumés à la tribune, dissiper en paroles leur reste de caractère ; mais, quand ils approchoient, par la théorie, trop près de la pratique, il abrégeoit toutes les difficultés en les menaçant de ne plus se mêler de leurs affaires, c’est-à-dire, de les terminer par la force. Il se complaisoit assez dans ces longues discussions, parce qu’il aime beaucoup lui-même à parler. Son genre de dissimulation en politique n’est pas le silence ;