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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

grenadiers entrèrent dans l’orangerie, où les députés étoient rassemblés, et les chassèrent en marchant en avant d’une extrémité de la salle à l’autre, comme s’il n’y avoit eu personne. Les députés, repoussés contre le mur, furent forcés de s’enfuir par la fenêtre dans les jardins de Saint-Cloud, avec leurs toges sénatoriales. On avoit déjà proscrit des représentans du peuple en France ; mais c’étoit la première fois depuis la révolution qu’on rendoit l’état civil ridicule en présence de l’état militaire ; et Bonaparte, qui vouloit fonder son pouvoir sur l’avilissement des corps aussi bien que sur celui des individus, jouissoit d’avoir su, dès les premiers instans, détruire la considération des députés du peuple. Du moment que la force morale de la représentation nationale étoit anéantie, un corps législatif, quel qu’il fût, n’offroit aux yeux des militaires qu’une réunion de cinq cens hommes beaucoup moins forts et moins dispos qu’un bataillon du même nombre, et ils ont toujours été prêts depuis, si leur chef le commandoit, à redresser les diversités d’opinion comme des fautes de discipline.

Dans les comités des cinq-cents, en présence des officiers de sa suite et de quelques amis des directeurs, le général Bonaparte tint un dis-