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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

contraire laissé les royalistes se flatter qu’il rétabliroit les Bourbons ; il avoit fait dire à Sieyes qu’il lui donneroit les moyens de mettre au jour la constitution qu’il tenoit dans un nuage depuis dix ans ; il avoit surtout captivé le public, qui n’est d’aucun parti, par des protestations générales d’amour de l’ordre et de la tranquillité. On lui parla d’une femme dont le directoire avoit fait saisir les papiers ; il se récria sur l’absurde atrocité de tourmenter les femmes, lui qui en a tant condamné selon son caprice à des exils sans terme ; il ne parloit que de la paix, lui qui a introduit la guerre éternelle dans le monde. Enfin, il y avoit dans sa manière une hypocrisie doucereuse qui faisoit un odieux contraste avec ce qu’on savoit de sa violence. Mais, après une tourmente de dix années, l’enthousiasme des idées avoit fait place dans les hommes de la révolution aux craintes et aux espérances qui les concernoient personnellement. Au bout d’un certain temps les idées reviennent ; mais la génération qui a eu part à de grands troubles civils, n’est presque jamais capable d’établir la liberté : elle s’est trop souillée pour accomplir une œuvre aussi pure.

La révolution de France n’a plus été, depuis le 18 fructidor, qu’une succession continuelle