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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

sition avec tous les principes qu’il professoit. On ôtoit à un petit état libre son indépendance, malgré le vœu bien prononcé de ses habitans ; on anéantissoit complètement la valeur morale d’une république, berceau de la réformation, et qui avoit produit plus d’hommes distingués qu’aucune des plus grandes provinces de France ; enfin, le parti démocratique faisoit ce qu’il eût considéré comme un crime dans ses adversaires. En effet, que n’auroit-on pas dit des rois ou des aristocrates qui eussent voulu ôter à Genève son existence individuelle ? car les états aussi en ont une. Les François retiroient-ils de cette acquisition ce qu’elle faisoit perdre à la richesse de l’esprit humain en général ? et la fable de la poule aux œufs d’or ne peut-elle pas s’appliquer aux petits états indépendans que les grands sont jaloux de posséder ? On détruit par la conquête les biens mêmes dont on désiroit la possession.

Mon père, par la réunion de Genève, se trouvoit François légalement, lui qui l’avoit toujours été par ses sentimens et par sa carrière. Il falloit donc qu’il obtint sa radiation de la liste des émigrés pour vivre en sûreté dans la Suisse, alors occupée par les armées du directoire. Il me remit, pour le porter à Paris, un mémoire,