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CONSIDÉRATIONS

On parloit, en 1797, de la résistance que le canton de Berne et les petits cantons démocratiques vouloient opposer à l’invasion dont ils étoient menacés. Je fis des vœux alors contre les François pour la première fois de ma vie ; pour la première fois de ma vie j’éprouvai la douloureuse angoisse de blâmer mon propre pays assez pour souhaiter le triomphe de ceux qui le combattoient. Jadis, au moment de livrer la bataille de Granson, les Suisses se prosternèrent devant Dieu, et leurs ennemis crurent qu’ils alloient rendre les armes ; mais ils se relevèrent, et furent vainqueurs. Les petits cantons, en 1798, dans leur noble ignorance des choses de ce monde, envoyèrent leur contingent à Berne ; ces soldats religieux se mirent à genoux devant l’église, en arrivant sur la place publique. Nous ne redoutons pas, disoient-ils, les armées de la France ; nous sommes quatre cents, et, si cela ne suffit pas, nous sommes prêts à faire marcher encore quatre cents autres de nos compagnons au secours de notre patrie. Qui ne seroit touché de cette grande confiance en de si faibles moyens ? Mais le temps des trois cents Spartiates étoit passé ; le nombre pouvoit tout, et le dévouement individuel luttoit en vain contre les ressources