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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

Il est impossible de ne pas trouver chez les François, malgré les torts qu’on a pu avoir raison de leur reprocher, une facilité sociale qui fait vivre à l’aise avec eux. Néanmoins cette armée, qui avoit si bien défendu l’indépendance dans son pays, vouloit conquérir la Suisse entière, et pénétrer jusque dans les montagnes des petits cantons, où des hommes simples conservoient l’antique trésor de leurs vertus et de leurs usages. Sans doute, Berne et d’autres villes de Suisse possédoient d’injustes priviléges, et de vieux préjugés se mêloient à la démocratie des petits cantons ; mais étoit-ce par la force qu’on pouvoit améliorer des pays accoutumés à ne reconnoître que l’action lente et progressive du temps. ? Les institutions politiques de la Suisse, il est vrai, se sont perfectionnées à plusieurs égards, et, jusqu’à ces derniers temps, on auroit pu croire que la médiation même de Bonaparte avoit éloigné quelques préjugés des cantons catholiques. Mais l’union et l’énergie patriotique ont beaucoup perdu depuis la révolution. L’on s’est habitué à recourir aux étrangers, à prendre part aux passions politiques des autres nations, tandis que le seul intérêt de l’Helvétie, c’est d’être pacifique, indépendante et fière.