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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

CHAPITRE XXVIII.

Invasion de la Suisse.

LA Suisse étant menacée d’une invasion prochaine, je quittai Paris au mois de janvier 1798, pour aller rejoindre mon père à Coppet. Il étoit encore inscrit sur la liste des émigrés, et une loi positive condamnoit à mort un émigré qui restoit dans un pays occupé par les troupes françoises. Je fis l’impossible pour l’engager à quitter sa demeure ; il ne le voulut point : À mon âge, disoit-il, il ne faut point errer sur la terre. Je crois que son motif secret étoit de ne pas s’éloigner du tombeau de ma mère ; il avoit, à cet égard, une superstition de cœur qu’il n’auroit sacrifiée qu’à l’intérêt de sa famille, mais jamais au sien propre. Depuis quatre ans que la compagne de sa vie n’existoit plus, il ne se passoit presque pas un jour qu’il n’allât se promener près du monument où elle repose, et en partant il auroit cru l’abandonner.

Lorsque l’entrée des François fut positivement annoncée, nous restâmes seuls, mon père