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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

de la France, alors présente, couvroit le général victorieux d’applaudissemens ; il étoit l’espoir de chacun : républicains, royalistes, tous voyoient le présent et l’avenir dans l’appui de sa main puissante. Hélas ! de tous les jeunes gens qui crioient alors vive Bonaparte, combien son insatiable ambition en a-t-elle laissé vivre ?

M. de Talleyrand, en présentant Bonaparte au directoire, l’appela le libérateur de l’Italie et le pacificateur du continent. Il assura que le général Bonaparte détestoit le luxe et l’éclat, misérable ambition des âmes communes, et qu’il aimoit les poésies d’Ossian, surtout parce qu’elles détachent de la terre. La terre n’eût pas mieux demandé, je crois, que de le laisser se détacher d’elle. Enfin Bonaparte parla lui-même avec une sorte de négligence affectée, comme s’il eût voulu faire comprendre qu’il aimoit peu le régime sous lequel il étoit appelé à servir.

Il dit que depuis vingt siècles, le royalisme et la féodalité avoient gouverné le monde, et que la paix qu’il venoit de conclure étoit l’ère du gouvernement républicain. Lorsque le bonheur des François, ajouta-t-il, sera assis sur de meilleures lois organiques, l’Europe entière