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CONSIDÉRATION

adressé cette question, qu’il craignit d’être trop attendri par ma réponse. « N’en parlons plus, dit-il : Dieu lit dans mon cœur : c’est assez. » Je n’osai pas, ce jour-là même, le rassurer, tant je voyois d’émotion contenue dans tout son être ! Ah ! que les ennemis d’un tel homme doivent être durs et bornés ! C’est à lui qu’il falloit adresser ces paroles de Ben Johnson, en parlant de son illustre ami le chancelier d’Angleterre. « Je prie Dieu qu’il vous donne de la force dans votre adversité ; car, pour de la grandeur, vous n’en sauriez manquer. »

M. Necker, au moment où le parti démocratique, alors tout-puissant, lui faisoit des propositions de rapprochement, s’exprimoit avec la plus grande force sur la funeste situation à laquelle on avoit réduit l’autorité royale ; et quoiqu’il crût peut-être trop à l’ascendant de la morale et de l’éloquence, dans un temps où l’on commençoit à ne s’occuper que de l’intérêt personnel, il se servoit mieux que personne de l’ironie et du raisonnement, quand il le jugeoit à propos. J’en vais citer un exemple entre plusieurs.

« J’oserai le dire, la hiérarchie politique établie par l’assemblée nationale sembloit exiger, plus qu’aucune autre ordonnance sociale, l’in-