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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

avoit beaucoup plus de sagesse dans l’appréciation des circonstances. Il pressentit que la paix alloit devenir populaire en France, parce que les passions s’apaisoient, et qu’on étoit las des sacrifices ; en conséquence il signa le traité de Campo-Formio avec l’Autriche. Mais ce traité contenoit la cession de la république de Venise, et l’on ne conçoit pas encore comment il parvint à déterminer ce directoire, qui pourtant étoit, à certains égards, républicain, au plus grand attentat qu’on pût commettre d’après ses propres principes. À dater de cet acte, non moins arbitraire que le partage de la Pologne, il n’a plus existé dans le gouvernement de France aucun respect pour aucune doctrine politique, et le règne d’un homme a commencé quand celui des principes a fini.

Le général Bonaparte se faisoit remarquer par son caractère et son esprit autant que par ses victoires, et l’imagination des François commençoit à s’attacher vivement à lui. On citoit ses proclamations aux républiques cisalpine et ligurienne. Dans l’une on remarquoit cette phrase : Vous étiez divisés et pliés par la tyrannie ; vous n’étiez pas en état de conquérir la liberté. Dans l’autre : Les vraies conquêtes, les seules qui ne coûtent point de regrets, ce sont