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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

pendant que toute âme sensible en éprouve, je la forme cette association, je la forme en espérance avec les hommes honnêtes de tous les pays, avec ceux, en si petit nombre, dont la première passion est l’amour du bien sur cette terre. »

M. Necker regrettoit amèrement cette popularité qu’il avoit, sans hésiter, sacrifiée à ses devoirs. Quelques personnes lui ont fait un tort du prix qu’il y attachoit. Malheur aux hommes d’état qui n’ont pas besoin de l’opinion publique ! Ce sont des courtisans ou des usurpateurs ; ils se flattent d’obtenir, par l’intrigue ou par la terreur, ce que les caractères généreux ne veulent devoir qu’à l’estime de leurs semblables.

En nous promenant ensemble, mon père et moi, sous ces grands arbres de Coppet qui me semblent encore des témoins amis de ses nobles pensées, il me demanda une fois si je croyois que toute la France partageât les soupçons populaires dont il avoit été la victime, dans sa route de Paris en Suisse. « Il me semble, me disoit-il, que dans quelques provinces ils ont reconnu jusqu’au dernier jour la pureté de mes intentions et mon attachement à la France ? » À peine m’eut-il