Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

directoire, et lui demanda, pour seul prix de tous ses services, la grâce de son colonel ; les directeurs furent inflexibles : ils appeloient justice une égale répartition de malheur.

Deux jours après le supplice de M. d’Ambert, je vis entrer dans ma chambre, à dix heures du matin, le frère de M. Norvins de Monbreton, que j’avois connu en Suisse pendant son émigration. Il me dit, avec une grande émotion, que l’on avoit arrêté son frère, et que la commission militaire étoit assemblée pour le juger à mort ; il me demanda si je pouvois trouver un moyen quelconque de le sauver. Comment se flatter de rien obtenir du directoire, quand les prières du général Bernadotte avoient été infructueuses ? et comment se résoudre cependant à ne rien tenter pour un homme qu’on connaît, et qui sera fusillé dans deux heures, si personne ne vient à son secours ? Je me rappelai tout à coup que j’avois vu chez Barras, un général Lemoine, celui que j’ai cité à l’occasion de l’expédition de Quiberon, et qu’il m’avoit paru causer volontiers avec moi. Ce général commandoit la division de Paris, et il avoit le droit de suspendre les jugemens de la commission militaire établie dans cette ville. Je remerciai