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CONSIDÉRATIONS

rateurs, me firent quitter Paris pour me retirer à la campagne ; car, dans les crises politiques, la pitié s’appelle trahison. J’allai donc dans la maison d’un de mes amis, où je trouvai, par un hasard singulier, l’un des plus illustres et des plus braves royalistes de la Vendée, le prince de la Tremoille, qui étoit venu dans l’espoir de faire tourner les circonstances en faveur de sa cause, et dont la tête étoit à prix. Je voulus lui céder un asile dont il avoit plus besoin que moi ; il s’y refusa, se proposant de sortir de France, puisque alors tout espoir de contre-révolution étoit perdu. Nous nous étonnions, avec raison, que le même coup de vent nous eût atteints tous les deux, quoique nos situations précédentes fussent très-diverses.

Je revins à Paris ; tous les jours, on trembloit pour quelques nouvelles victimes enveloppées dans la persécution générale qu’on faisoit subir aux émigrés et aux prêtres. Le marquis d’Ambert, qui avoit été le colonel du général Bernadotte avant la révolution, fut pris et traduit devant une commission militaire : terrible tribunal, dont l’existence, hors de l’armée, suffit pour constater qu’il y a tyrannie. Le général Bernadotte alla trouver le