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CONSIDÉRATIONS

se laisser battre selon les règles de l’escrime constitutionnelle, quand ils n’avoient qu’à recourir à la force pour se débarrasser de leurs adversaires. On vit, dans cette occasion, ce qu’on verra toujours, l’intérêt personnel de quelques individus renverser les barrières de la loi, si ces barrières ne sont pas construites de manière à se maintenir par elles-mêmes.

Deux directeurs, Barthélémy et Carnot, étoient du parti des conseils représentatifs. Certainement on ne pouvoit soupçonner Carnot de souhaiter le retour de l’ancien régime ; mais il ne vouloit pas, ce qui lui fait honneur, adopter des moyens illégaux pour repousser l’attaque du pouvoir législatif. La majorité du directoire, Rewbell, Barras et Lareveillère, hésitèrent quelque temps entre deux auxiliaires dont ils pouvoient également disposer : le parti jacobin, et l’armée. Ils eurent peur, avec raison, du premier ; c’étoit une arme bien redoutable encore que les terroristes, et celui qui s’en servoit pouvoit être terrassé par elle. Les directeurs crurent donc qu’il valoit mieux faire venir des adresses des armées, et demander au général Bonaparte, celui de tous les commandans en chef qui se prononçoit alors le plus fortement contre les conseils, d’envoyer un de ses