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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

le moment arriveroit où l’on regretteroit peut être l’isolement de ces chefs exécutifs, où l’on voudroit que la constitution les eût mis dans la nécessité d’agir en présence d’une section du corps législatif, et de concert avec elle. Le moment arriveroit où l’on se repentiroit peut-être d’avoir laissé, par la constitution même, un champ libre aux premières suggestions de leur ambition, aux premiers essais de leur despotisme. »

Ces directeurs hardis et entreprenans se sont trouvés ; et, comme il ne leur étoit pas permis de dissoudre le corps législatif, ils ont employé des grenadiers à la place du droit légal que la constitution devoit leur donner. Rien ne présageoit encore cette crise, quand M. Necker l’a prédite ; mais, ce qui est plus étonnant, c’est qu’il a pressenti la tyrannie militaire qui devoit résulter de la crise même qu’il annonçoit en 1796.

Dans une autre partie de son ouvrage, M. Necker, en mêlant sans cesse l’éloquence au raisonnement, rend la politique populaire. Il suppose un discours de saint Louis, adressé à la nation françoise, et vraiment admirable ; il faut le lire tout entier, car il y a un charme et une pensée dans chaque parole. Toutefois, l’objet principal de cette fiction, c’est de se figurer un prince