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CONSIDÉRATIONS

Depuis 1793 jusqu’au commencement de 1795, l’Angleterre et ses alliés se seroient déshonorés en traitant avec la France ; qu’auroit-on dit des augustes ambassadeurs d’une nation libre, revenant à Londres après avoir reçu l’accolade de Marat ou de Robespierre ? Mais, quand une fois l’intention d’établir un gouvernement régulier se manifesta, il falloit ne rien négliger pour interrompre l’éducation guerrière des François.

L’Angleterre, en 1797, dix-huit mois après l’installation du directoire, envoya des négociateurs à Lille ; mais les succès de l’armée d’Italie avoient inspiré de l’arrogance aux chefs de la république ; les directeurs étoient déjà vieux dans le pouvoir, et s’y croyoient affermis. Les gouvernemens qui commencent souhaitent tous la paix : il faut savoir profiter de cette circonstance avec habileté ; en politique comme à la guerre, il y a des coups de temps qu’on doit se hâter de saisir. Mais l’opinion en Angleterre étoit exaltée par Burke, qui avoit acquis un grand ascendant sur ses compatriotes, en prédisant trop bien les malheurs de la révolution. Il écrivit, lors de la négociation de Lille, des lettres sur la paix régicide qui renouvelèrent l’indignation publique contre les François.