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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

tion se fit un principe de nommer cinq directeurs qui eussent voté la mort du roi ; et, comme la nation n’approuvoit en aucune manière cette aristocratie du régicide, elle ne s’identifia point avec ses magistrats. Un résultat non moins fâcheux de la journée du 13 vendémiaire, ce fut un décret du 2 brumaire qui excluoit de tout emploi public les parens des émigrés, et tous ceux qui dans les sections avoient voté pour des projets liberticides. Telle étoit l’expression du jour, car en France, à chaque révolution, on rédige une phrase nouvelle, qui sert à tout le monde, pour que chacun ait de l’esprit ou du sentiment tout fait, si par hasard la nature lui avoit refusé l’un et l’autre.

Le décret d’exclusion du 2 brumaire faisoit une classe de proscrits dans l’état ; ce qui certes ne vaut pas mieux qu’une classe de privilégiés, et n’est pas moins contraire à l’égalité devant la loi. Le directoire étoit le maître d’exiler, d’emprisonner, de déporter à son gré les individus désignés comme attachés à l’ancien régime, les nobles et les prêtres, auxquels on refusoit le bienfait de la constitution en les plaçant sous le joug de l’arbitraire. Une amnistie accompagne d’ordinaire l’installation de tout gouvernement nouveau ; ce fut au con-