Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
CONSIDÉRATIONS

tout ce qu’ils avoient fait, et l’on auroit pu leur citer mille actions spontanément serviles ou sanguinaires. Les autres prétendoient qu’ils s’étoient sacrifiés au bien public, et l’on savoit qu’ils n’avoient songé qu’à se préserver du danger ; tous rejetoient le mal sur quelques-uns ; et, chose singulière dans un pays immortel par sa bravoure militaire, plusieurs des chefs politiques donnoient simplement la peur comme une excuse suffisante de leur conduite.

Un conventionnel très-connu me racontoit un jour, entre autres, qu’au moment où le tribunal révolutionnaire avoit été décrété, il avoit prévu tous les malheurs qui en sont résultés ; « et cependant, ajoutoit-il, le décret passa dans l’assemblée à l’unanimité. » Or, il assistoit lui-même à cette séance, votant pour ce qu’il regardoit comme l’établissement de l’assassinat juridique, mais il ne lui venoit pas seulement dans l’esprit, en me racontant ce fait, que l’on pût s’attendre à sa résistance. Une telle naïveté de bassesse laisse ignorer jusqu’à la possibilité de la vertu.

Les jacobins qui avoient trempé personnellement dans les crimes de la terreur, tels que Lebon, Carrier, etc., se faisoient presque tous remarquer par le même genre de physionomie.