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CONSIDÉRATIONS

mée se battoit toujours contre les étrangers avec la même énergie, et ses exploits avoient déjà obtenu une paix importante pour la France, le traité de Bâle avec la Prusse. Le peuple aussi, l’on doit le dire, supportoit des maux inouïs avec une persévérance étonnante ; la disette d’une part, et la dépréciation du papier-monnaie de l’autre, réduisoient la dernière classe de la société à l’état le plus misérable. Si les rois de France avoient fait subir à leurs sujets la moitié de ces souffrances, on se seroit révolté de toutes parts. Mais la nation croyoit se dévouer à la patrie, et rien n’égale le courage inspiré par une telle conviction.

La Suède ayant reconnu la république françoise, M. de Staël résidoit à Paris comme ministre. J’y passai quelques mois pendant l’année 1795, et c’étoit vraiment alors un spectacle bien bizarre que la société de Paris. Chacun de nous sollicitoit le retour de quelques émigrés de ses amis. J’obtins à cette époque plusieurs rappels ; en conséquence, le député Legendre, homme presque du peuple, fit une dénonciation contre moi à la tribune de la convention. L’influence des femmes, l’ascendant de la bonne compagnie, ce qu’on appeloit vulgairement les salons dorés, sembloient très-redoutables à