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CONSIDÉRATIONS

d’appeler l’intérêt de l’état, c’est-à-dire, aux passions de ceux qui gouvernent !

Depuis la chute de Robespierre jusqu’à l’établissement du gouvernement républicain sous la forme d’un directoire, il y a eu un intervalle d’environ quinze mois, qu’on peut considérer comme la véritable époque de l’anarchie en France. Rien ne ressemble moins à la terreur que ce temps, quoiqu’il se soit encore commis bien des crimes alors. On n’avoit point renoncé au funeste héritage des lois de Robespierre ; mais la liberté de la presse commençoit à renaître, et la vérité avec elle. Le vœu général étoit de fonder des institutions sages et libres, et de se débarrasser des hommes qui avoient gouverné pendant le règne du sang. Toutefois rien n’étoit si difficile que de satisfaire à ce double désir ; car la convention tenoit encore l’autorité dans ses mains, et beaucoup d’amis de la liberté craignoient que la contre-révolution n’eût lieu, si l’on ôtoit le pouvoir à ceux dont la vie étoit compromise par le rétablissement de l’ancien régime. C’est une pauvre garantie, cependant, que celle des forfaits qu’on a commis au nom de la liberté ; il s’ensuit bien qu’on redoute le retour des hommes qu’on a fait souffrir ; mais on est tout prêt