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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

avoit une sorte de conséquence à fonder le crime sur l’impiété ; c’est un hommage rendu à l’union intime des opinions religieuses avec la morale. Robespierre imagina de faire célébrer la fête de l’Être suprême, se flattant sans doute de pouvoir appuyer son ascendant politique sur une religion arrangée à sa manière, ainsi que l’ont fait souvent ceux qui ont voulu s’emparer de l’autorité. Mais, à la procession de cette fête impie, il s’avisa de passer le premier, pour s’arroger la prééminence sur ses collègues, et dès lors il fut perdu. L’esprit du moment et les moyens personnels de l’homme ne se prêtoient point à cette entreprise. D’ailleurs, on savoit qu’il ne connaissoit d’autre moyen d’écarter ses concurrens que de les faire périr par le tribunal révolutionnaire, qui donnoit au meurtre un air de légalité. Les collègues de Robespierre, non moins abominables que lui, Collot-d’Herbois, Billaud-Varennes, l’attaquèrent pour se sauver eux-mêmes : l’horreur du crime ne leur inspira point cette résolution ; ils pensoient à tuer un homme, mais non à changer de gouvernement.

Il n’en étoit pas ainsi de Tallien, l’homme du 9 thermidor, ni de Barras, chef de la force armée ce jour-là, ni de plusieurs autres con-