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CONSIDÉRATIONS

proche ? Ne voyoient-ils pas la France tout entière se défendant sur l’autre bord ? N’éprouvoient-ils pas une insupportable douleur, en reconnaissant les airs nationaux, les accens de leur province, dans le camp qu’il falloit appeler ennemi ? Combien d’entre eux ne se sont pas retournés tristement vers les Allemands, vers les Anglois, vers tant d’autres peuples qu’on leur ordonnoit de considérer comme leurs alliés ! Ah ! l’on ne peut transporter ses dieux pénates dans les foyers des étrangers. Les émigrés, lors même qu’ils faisoient la guerre à la France, ont souvent été fiers des victoires de leurs compatriotes. Ils étoient battus comme émigrés, mais ils triomphoient comme François, et la joie qu’ils en ressentoient étoit la noble inconséquence des cœurs généreux. Jacques II s’écrioit à la bataille de la Hague, pendant la défaite de la flotte françoise, qui soutenoit sa propre cause contre l’Angleterre : « Comme mes braves Anglois se battent ! » Et ce sentiment lui donnoit plus de droits au trône qu’aucun des argumens employés pour l’y maintenir. En effet, l’amour de la patrie est indestructible comme toutes les affections sur lesquelles nos premiers devoirs sont fondés. Souvent une longue absence ou