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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

peindre cette époque de 1793, où les périls se multiplioient à chaque pas. Un jeune gentilhomme françois, M. Achille du Chayla, neveu du comte de Jaucourt, voulut sortir de France avec un passe-port suisse que nous lui avions envoyé, pour le sauver sous un nom supposé, car nous nous croyions très-permis de tromper la tyrannie. À Moret, ville frontière, située au pied du mont Jura, on soupçonna M. du Chayla de n’être pas ce que son passe-port indiquoit, et on l’arrêta, en déclarant qu’il resteroit prisonnier jusqu’à ce que le lieutenant baillival de Nyon attestât qu’il étoit Suisse. M. de Jaucourt demeuroit alors chez moi, sous l’un de ces noms suédois dont nous étions les inventeurs. À la nouvelle de l’arrestation de son neveu, son désespoir fut extrême ; car ce jeune homme, alors de la réquisition, porteur d’un faux passe-port, et de plus fils d’un des chefs de l’armée de Condé, devoit être fusillé à l’instant même, si l’on devinoit son nom. Il ne restoit qu’un espoir ; c’étoit d’obtenir de M. Reverdil, lieutenant baillival à Nyon, de réclamer M. du Chayla comme véritablement natif du pays de Vaud.

J’allai chez M. Reverdil pour lui demander cette grâce ; c’étoit un ancien ami de mes pa-