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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

pourquoi faire consister cet attachement dans la haine des institutions libres et l’amour du pouvoir absolu ? Et pourquoi repousser le raisonnement en politique, comme s’il s’agissoit des saints mystères, et non pas des affaires humaines ? En 1791, le parti des aristocrates s’est séparé de la nation, de fait et de droit ; d’une part, en s’éloignant de France, et de l’autre, en ne reconnaissant pas que la volonté d’un grand peuple doit être de quelque chose dans le choix de son gouvernement. Qu’est-ce que cela signifie, des nations ? répétoient-ils sans cesse : il faut des armées. Mais les armées ne font-elles pas partie des nations ? Tôt ou tard l’opinion ne pénètre-t-elle pas aussi dans les rangs mêmes des soldats, et de quelle manière peut-on étouffer ce qui anime maintenant tous les pays éclairés, la connaissance libre et réfléchie des intérêts et des droits de tous ?

Les émigrés ont dû se convaincre, par leurs propres sentimens, dans différentes circonstances, que le parti qu’ils avoient pris étoit digne de blâme. Quand ils se trouvoient au milieu des uniformes étrangers, quand ils entendoient les langues germaniques, dont aucun son ne leur rappeloit les souvenirs de leur vie passée, pouvoient-ils se croire encore sans re-