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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

leurs forces étoient de beaucoup supérieures à celles qu’ils empruntoient des étrangers. Ils n’ont donc point compromis l’indépendance de leur patrie. Aussi les chefs de la Vendée sont-ils considérés même par le parti contraire ; ils s’expriment sur la révolution avec plus de mesure que les émigrés d’outre-Rhin. Les Vendéens s’étant battus, pour ainsi dire, corps à corps avec les François, ne se persuadent pas aisément que leurs adversaires n’aient été qu’une poignée de rebelles qu’un bataillon auroit pu faire rentrer dans le devoir ; et, comme ils ont eu recours eux-mêmes à la puissance des opinions, ils savent ce qu’elles sont, et reconnoissent la nécessité de transiger avec elles.

Un problème encore reste à résoudre : c’est comment il se peut que le gouvernement de 1793 et 1794 ait triomphé de tant d’ennemis. La coalition de l’Autriche, de la Prusse, de l’Espagne, de l’Angleterre, la guerre civile dans l’intérieur, la haine que la convention inspiroit à tout ce qui restoit encore d’hommes honnêtes hors des prisons, rien n’a diminué la résistance contre laquelle les étrangers ont vu leurs efforts se briser. Ce prodige ne peut s’expliquer que par le dévouement de la nation à sa propre cause. Un million d’hommes s’armè-