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CONSIDÉRATIONS

le Vengeur, foudroyé par les Anglois, répétoit comme en concert le cri de Vive la république ! en s’enfonçant dans la mer, et les chants d’une joie funèbre sembloient retentir encore du fond de l’abîme.

L’armée françoise ne connaissoit pas alors le pillage, et ses chefs marchoient quelquefois comme les plus simples soldats à la tête de leurs troupes, parce que l’argent leur manquoit pour acheter des chevaux dont ils auroient eu besoin. Dugommier, général en chef de l’armée des Pyrénées, à l’âge de soixante ans, partit de Paris à pied pour aller rejoindre ses troupes sur les frontières d’Espagne. Les hommes que la gloire des armes a tant illustrés depuis, se distinguoient aussi par leur désintéressement. Ils portoient sans rougir des habits usés par la guerre, et plus honorables cent fois que les broderies et les décorations de toute espèce dont, plus tard, on les a vus chamarrés.

Les républicains honnêtes, mêlés à des royalistes, résistèrent avec courage au gouvernement conventionnel, à Toulon, à Lyon, et dans quelques autres départements. Ce parti fut appelé du nom de fédéralistes ; mais je ne crois pas cependant que les girondins, ou leurs partisans, aient jamais conçu le projet d’établir un