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CONSIDÉRATIONS

gens en France, ne pouvoient se flatter d’obtenir quelque intérêt par leurs efforts. Ils luttoient, ils succomboient, ils périssoient, sans que le bruit avant-coureur de l’avenir pût leur promettre quelque récompense. Les royalistes constitutionnels eux-mêmes étoient assez insensés pour désirer le triomphe des terroristes, afin d’être ainsi vengés des républicains. Vainement ils savoient que ces terroristes les proscrivoient, l’orgueil irrité l’emportoit sur tout : ils oublioient, en se livrant ainsi à leurs ressentimens, la règle de conduite dont il ne faut jamais s’écarter en politique : c’est de se rallier toujours au parti le moins mauvais parmi ses adversaires, lors même que ce parti est encore loin de votre propre manière de voir.

La disette des subsistances, l’abondance des assignats, et l’enthousiasme excité par la guerre, furent les trois grands ressorts dont le comité de salut public se servit pour animer et dominer le peuple tout ensemble. Il l’effrayoit, ou le payoit, ou le faisoit marcher aux frontières, selon qu’il lui convenoit de s’en servir. L’un des députés à la convention disoit : « Il faut continuer la guerre, afin que les convulsions de la liberté soient plus fortes. » On ne peut savoir si ces douze membres du comité de