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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

développés dans les premières années de la révolution, si ce n’est de cent ans de superstition et d’arbitraire ?

Il sembloit, en 1793, qu’il n’y eût plus de place pour des révolutions en France, lorsqu’on avoit tout renversé, le trône, la noblesse, le clergé, et que le succès des armées devoit faire espérer la paix avec l’Europe. Mais c’est précisément quand le danger est passé, que les tyrannies populaires s’établissent : tant qu’il y a des obstacles et des craintes, les plus mauvais hommes se modèrent ; quand ils ont triomphé, leurs passions contenues se montrent sans frein.

Les girondins firent de vains efforts pour mettre en activité des lois quelconques, après la mort du roi ; mais ils ne purent faire accepter aucune organisation sociale : l’instinct de la férocité les repoussoit toutes. Hérault de Séchelles proposa une constitution scrupuleusement démocratique, l’assemblée l’adopta ; mais elle ordonna qu’elle fût suspendue jusqu’à la paix. Le parti jacobin vouloit exercer le despotisme, et c’est bien à tort qu’on a qualifié d’anarchie ce gouvernement. Jamais une autorité plus forte n’a régné sur la France ; mais c’étoit une bizarre sorte de pouvoir ; dérivant du fanatisme popu-