Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
CONSIDÉRATIONS

Il ne s’ensuit certes pas de ces réflexions, que les crimes méritent moins de haine ; mais, après plus de vingt années, il faut réunir à la vive indignation des contemporains, l’examen éclairé qui doit servir de guide dans l’avenir. Les querelles religieuses ont provoqué la révolution d’Angleterre ; l’amour de l’égalité, volcan souterrain de la France, agissoit aussi sur la secte des puritains ; mais les Anglois alors étoient réellement religieux, et religieux protestans, ce qui rend à la fois plus austère et plus modéré. Quoique l’Angleterre, comme la France, se soit souillée par le meurtre de Charles Ier, et par le despotisme de Cromwell, le règne des jacobins est une affreuse singularité, dont il n’appartient qu’à la France de porter le poids dans l’histoire. Cependant on n’a point observé les troubles civils en penseur, quand on ne sait pas que la réaction est égale à l’action. Les fureurs des révoltes donnent la mesure des vices des institutions ; et ce n’est pas au gouvernement qu’on veut avoir, mais à celui qu’on a eu longtemps, qu’il faut s’en prendre de l’état moral d’une nation. On dit aujourd’hui que les François sont pervertis par la révolution. Et d’où venoient donc les penchans désordonnés qui se sont si violemment