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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

dépravé ? Le gouvernement dont on nous parle comme d’un objet de regrets, avoit eu le temps de former la nation qui s’est montrée si coupable. Les prêtres, dont l’enseignement, l’exemple et les richesses sont propres, nous dit-on, à faire tant de bien, avoient présidé à l’enfance de la génération qui s’est déchaînée contre eux. La classe soulevée en 1789 devoit être accoutumée à ces priviléges de la noblesse féodale, si particulièrement agréables, nous assure-t-on encore, à ceux sur lesquels ils doivent peser. D’où vient donc que tant de vices ont germé sous les institutions anciennes ? Et qu’on ne prétende pas que les autres nations de nos jours se fussent montrées de même, si une révolution y avoit eu lieu. L’influence françoise a excité des insurrections en Hollande et en Suisse, et rien de pareil au jacobinisme ne s’y est manifesté. Pendant les quarante années de l’histoire d’Angleterre, qu’on peut assimiler à celle de France sous tant de rapports, il n’est point de période comparable aux quatorze mois de la terreur. Qu’en faut-il conclure ? Qu’aucun peuple n’avoit été aussi malheureux depuis cent ans que le peuple françois. Si les nègres à Saint-Domingue ont commis bien plus d’atrocités encore, c’est parce qu’ils avoient été plus opprimés.