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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

contraire, la foi véritable à quelques idées abstraites alimente le fanatisme politique ; le mélange se trouve partout, mais c’est dans sa proportion que consiste le bien et le mal. L’ordre social est en lui-même un bizarre édifice : on ne peut cependant le concevoir autrement qu’il n’est ; mais les concessions auxquelles il faut se résoudre, pour qu’il subsiste, tourmentent par la pitié les âmes élevées, satisfont la vanité de quelques-uns, et provoquent l’irritation et les désirs du grand nombre. C’est à cet état de choses, plus ou moins prononcé, plus ou moins adouci par les mœurs et par les lumières, qu’il faut attribuer le fanatisme politique dont nous avons été témoins en France. Une sorte de fureur s’est emparée des pauvres en présence des riches, et les distinctions nobiliaires ajoutant à la jalousie qu’inspire la propriété, le peuple a été fier de sa multitude ; et tout ce qui fait la puissance et l’éclat de la minorité, ne lui a paru qu’une usurpation. Les germes de ce sentiment ont existé dans tous les temps ; mais on n’a senti trembler la société humaine dans ses fondemens qu’à l’époque de la terreur en France : on ne doit point s’étonner si cet abominable fléau a laissé de profondes traces dans les esprits, et la seule réflexion