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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

réunies à une grande puissance. Si l’on avoit vu la nation angloise envoyer des ambassadeurs à des assassins, la vraie force de cette île merveilleuse, la confiance qu’elle inspire, l’auroit abandonnée.

Il ne s’ensuit pas de cette manière de voir que l’opposition qui vouloit la paix, et M. Fox qui, par ses étonnantes facultés, représentoit un parti à lui seul, ne fussent inspirés par des sentimens très-respectables. M. Fox se plaignoit, et avec raison, de ce que l’on confondoit sans cesse les amis de la liberté avec ceux qui l’ont souillée ; et il craignoit que la réaction d’une tentative si malheureuse n’affaiblit l’esprit de liberté, principe vital de l’Angleterre. En effet, si la réformation eût échoué il y a trois siècles, que seroit devenue l’Europe ? Et dans quel état seroit-elle maintenant, si l’on enlevoit à la France tout ce qu’elle a gagné par sa réforme politique ?

M. Pitt rendit à cette époque de grands services à l’Angleterre, en tenant d’une main ferme le gouvernail des affaires. Mais il penchoit trop vers l’amour du pouvoir, malgré la simplicité parfaite de ses goûts et de ses habitudes ; ayant été ministre très-jeune, il n’avoit pas eu le temps d’exister comme homme privé,