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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

presque sans exemple dans l’histoire d’Angleterre. La querelle de Louis XVI commença, comme celle de Charles Ier, par des embarras de finances, et ce sont toujours ces embarras qui mettent les rois dans la dépendance des peuples ; mais Louis XVI convoqua les états généraux qui, depuis près de deux cents ans, étoient presque oubliés en France.

Louis XIV avoit supprimé jusqu’aux remontrances du parlement de Paris, seul privilége politique laissé à ce corps, lorsqu’il enregistroit les édits bursaux. Henri VIII, en Angleterre, avoit fait recevoir ses proclamations comme ayant force de loi. Ainsi donc, Charles Ier et Louis XVI pouvoient tous les deux se considérer comme les héritiers d’un pouvoir sans bornes, mais avec cette différence, que le peuple anglois s’appuyoit toujours, avec raison, sur le passé, pour réclamer ses droits ; tandis que les François demandoient une chose nouvelle, puisque la convocation des états généraux n’étoit prescrite par aucune loi. Louis XVI, d’après la constitution ou la non-constitution de France, n’étoit point obligé à appeler les états généraux ; Charles Ier, en restant douze années sans rassembler le parlement anglois, violoit les priviléges reconnus.